Cet article fut r�dig� en 1988 et pr�sent� � un Colloque du CREIS � Saint Etienne, mai 88, ��Repr�sentation du R�el et Informatisation��. Je ne sais si les actes de ce Colloque furent publi�s, et s?ils le furent, ils sont tr�s probablement introuvables, actuellement. Je ne dispose que de l?exemplaire publi� en ��Note de Recherche du GRASCE�� (ERA CNRS 640, Universit� d?Aix-Marseille III).
Je suis heureux et honor� de l?accueil que la courageuse et dynamique Revue e-TI.net lui accorde aujourd?hui�: Elle permet de redonner quelque attention � un des arguments que je tiens pour constitutif de toute pratique comme de toute th�orie des Syst�mes d?Information des Organisations, argument que j?exprime en paraphrasant une belle formule �de G Bachelard�: �Loin que ce soit l?informatisation qui �claire l?organisation, c?est l?organisation qui illumine l?informatisation��. Et Paul Val�ry nous rappelait cela en des termes plus op�rationnels : ��Nos moyens d?investigation et d?action (ici, ceux des technologies de l?informatisation) laissent loin derri�re eux nos moyens de repr�sentation et de compr�hension (ici de l?organisation)��.
C?est cet argument qui a �t� le fil conducteur de toutes mes activit�s d?enseignement et de recherche en particulier dans le domaine des SIO�: Comment repr�senter ? mod�liser et comprendre les organisations per�ues complexes au sein desquels nous intervenons et agissons�?
Question qui appelait une m�ditation �pist�mologique pr�alable aux multiples consid�rations m�thodologiques que chacun appelait et d�veloppait � l?envie en particulier dans tous les domaines de l?informatisation Ce texte de 1988 propose une premi�re tentative d?identification du socle �pist�mologique sur lequel peut l�gitimement reposer une discipline enseignable et ��actionnable�� des SIO. Il a bien s�r �t� actualis� et �clair� sous d?autres aspects depuis1, mais en le relisant il m?a sembl� qu?il constituait toujours une r�f�rence paradigmatique pertinente et argument�e pouvant �clairer les investigations des enseignants chercheurs autant que des praticiens souhaitant ��lever la t�te au dessus du guidon�� des m�thodologies et progiciels � la mode.
�Certes par ses r�f�rences bibliographiques (toutes ant�rieures � 1987), cet article sera parfois tenu pour une pi�ce de mus�e. Par probit� pourtant, j?ai n?ai pas tent� une actualisation qui, sur le fond, n?aurait pas conduit � modifier la teneur des arguments. Je me suis limit� � quelques am�nagements stylistiques mineurs et peu nombreux, du type de ceux que font habituellement les secr�taires de r�daction consciencieux�: Ce texte est dat�, mais il constitue plus une matrice initiale qu?un tableau bien fini, lequel demanderait un trait� plut�t qu?un bref article ayant valeur de manifeste. ��
Cet avertissement bibliographique me donne par surcroit l?occasion d?exprimer � mes coll�gues et amis marocains, et en particulier � l?�quipe qui anime la Revue e-TI qui seront parmi ses premiers lecteurs, mon admirative sympathie et mes chaleureux encouragements. �
Sympathie et enhttps://ment que j?exprime auhttps://on ami marocain Reda Benkirane, Homme de Reliance entre nos cultures, auteur de ��Complexit�, Vertiges et Promesses�� et infatigable animateur du Site ArchiPress (https://www.archipress.org/). �
Toute repr�sentation intentionnelle de l'organisation sociale et des processus informationnels qui la tissent repose sur quelques pr�misses �pist�mologiques et paradigmatiques qu'il importe d'expliciter d�s lors que l'on se propose de "bien conduire sa raison dans les affaires humaines".
Le climat intellectuel dans lequel se sont d�velopp�s les mod�les de l'Entreprise depuis deux si�cles postulait une �pist�mologie r�ductionniste et positiviste justifiant le paradigme �nerg�tique; lequel invitait � repr�senter les organisations sociales par une physique sociale d�riv�e de la physique de la mati�re.
On souligne les s�v�res limitations de cette probl�matique d�s lors que les entreprises ont projet de se repr�senter dans leur complexit� telle qu'elles la per�oivent. On propose de formuler, dans le r�f�rentiel aujourd'hui assur� d'une �pist�mologie constructiviste, un paradigme permettant de rendre compte de la correspondance information-organisation dont on postule qu'elle peut �tre constitutive de repr�sentations "riches" de l'entreprise complexe : le paradigme inforg�tique.
Cette mise en forme est aujourd'hui suffisamment explicit�e et argument�e pour lib�rer la mod�lisation de l'organisation sociale des contraintes r�ductrices qu'impose n�cessairement le paradigme �nerg�tique.
On proc�de alors � un exercice d'ing�nierie� inforg�tique� appliqu�e � la repr�sentation de l'entreprise-organisation ; on d�gage ainsi dix propositions susceptibles de guider les diagnostics de conception et de gestion technologiques et organisationnels des syst�mes d'op�ration, d'information et de d�cision des entreprises.
��L'Organisation, la chose organis�e, le produit de cette organisation, et l?organisant sont ins�parables.�� Paul Val�ry (1920).
��Mais qu?est-ce que l?Organisation�? Quelle est cette �nigme, dans cet univers de catastrophe, de turbulence, de dispersion, et qui appara�t dans la catastrophe, la turbulence, la dispersion�? L?Organisation� E. Morin, T 1 1977, p. 9
��Information is information, not matter or energy.�� N. Wiener (1948)
Proposons une hypoth�se commode pour nos communications : Le Paradigme de la premi�re Cybern�tique ne sera plus tenu - au moins pendant le temps de cette r�flexion - pour l'Id�altype de l'Organisation Sociale s'int�ressant � la Conception et � la Gestion de son propre Syst�me d'Information. Ses m�rites bien connus de simplicit�, de g�n�ralit�, de large diffusion culturelle ne sont pas contest�s, mais ses inconv�nients, notamment le caract�re monodimensionnel de la correspondance entre le contr�leur et le contr�l� et le caract�re a-dynamique des comportements du contr�leur (qui doit ignorer sa propre morphog�n�se) sont tenus ici pour r�dhibitoires (Lemoigne, 1986). On convient que cet abandon du paradigme aujourd'hui dominant tant dans les discours que les pratiques de la gestion des construits sociaux organis�s2, se paye � un prix que certains tiendront pour tr�s �lev� : la perte de la th�orie d�sormais classique des M.I.S., (Management Information System) popularis�e aux USA au d�but des ann�es soixante dix et tr�s largement diffus�e depuis, � force de traduction3.
Cette hypoth�se n�gative doit bien s�r s'accompagner d'une hypoth�se alternative. Proposons de construire nos mod�les instrumentaux de l'organisation sociale sur le Paradigme (de la Mod�lisation) Syst�mique4. L'Entreprise ici sera entendu par un complexe d'actions intentionnelles enchev�tr�es dans un tissu social, complexe, autonome, en permanent d�s�quilibre et donc en permanente ��quilibration : actions qui transformant le tissu substrat dont elle est solidaire, la transforment elle-m�me ; transformations endog�nes qui affectent l'intensit�, la forme et parfois la substance de ce complexe d'actions ; Equilibration permanente de ce complexe autonome dont il faut postuler qu'elle n'affecte pas son autonomie ; autonomie qui n'a peut-�tre aucune r�alit� ontologique et que l'on d�clare reconna�tre dans l'ordre des repr�sentations que les acteurs concern�s construisent du �Ph�nom�ne-Entreprise� consid�r�. Autonomie qui s?affiche par le complexe de projets identitaires pr�sum� suffisamment stable pour �tre reconnu, par lequel ce complexe d'actions (le ph�nom�ne-entreprise) est pr�sum� intelligible et donc repr�sentable.
Paradigme Syst�mique qui implique que soit explicitement reconnu le socle �pist�mologique qui l?enracine dans nos cultures, celui des �pist�mologies constructiviste5, �pist�mologies �tablies sur un paradigme de r�f�rence d�lib�r�ment diff�rent (mais pas oppos�) de celui qui fonde les �pist�mologies r�ductionnistes et d�terministes (dans toutes leurs variantes, positivistes ou r�alistes). �
Diff�rence qu'il n'importe de mentionner d�s l'ouverture que parce qu'elle assure la probit� de la communication et rappelle les limites de validation des �nonc�s que la mod�lisation syst�mique �permet d'�laborer. Diff�rence n�cessaire parce que nul n'est en mesure � ce jour d'argumenter la r�alit� ontologique de l'autonomie d'un syst�me en g�n�ral, ni m�me la r�alit� ontologique (la r�ductibilit� � une collection d'�l�ments eux irr�ductibles) d'une entreprise objectivable � l'identique par des observateurs diff�rents.
Diff�rence qu'il faut certes, � nouveau payer d'un prix �lev�, celui de l'abandon des garde-fous apparents de l'objectivit� que l'�pist�mologie r�ductionniste avait forg� au XIXe S. pour assurer les �nonc�s produits au sein du Paradigme M�canique, (M�canique c�leste, M�canique rationnelle, M�canique statistique), paradigme dont la f�condit� fut telle entre 1800 et 1950 que l'on a peine encore � convenir qu'il n'est peut-�tre pas le seul garant de la scientificit� des connaissances raisonn�es. Prix si �lev� que le Paradigme de la premi�re Cybern�tique, et les th�ories qu'il h�berge, notamment la th�orie des M.I.S., n'accept�rent pas de le payer�: par le jeu de bien des infractions grossi�rement dissimul�es sous le voile des oublis, des omissions et de la pr�cieuse ambigu�t� s�mantique de la plupart de ses concepts, la Cybern�tique (et, en francophonie, la Recherche Op�rationnelle, la Prax�ologie, la th�orie des M.I.S., l'Automatique, etc. ) se pr�sente et est commun�ment accept�e comme un paradigme directement h�ritier du paradigme M�canique fond�e elle aussi sur le socle �pist�mologique des r�ductionnismes6.
Puisque le Paradigme Syst�mique ne renie pas lui non plus la part importante de l'h�ritage conceptuel qu'il doit notamment � la m�canique statistique et � la cybern�tique, il importe de s'astreindre � un effort obstin�7 de rigueur intellectuelle dans l'entreprise de manipulation de concepts et de symboles qu'appelle une r�flexion scientifique dont l'ambition est express�ment instrumentale : r�flexion et instrumentation dont le propos et le projet concernent ici la conception et la gestion du Syst�me d'Information de l'Organisation.
L'expos� et les justificatifs de l'Epist�mologie Constructiviste et du Paradigme de la Mod�lisation Syst�mique sortent bien s�r du cadre de cet expos�. On se bornera donc � en rappeler l'argument central, essentiel pour notre propos : nous ne raisonnons pas sur la R�alit�-r�elle, fut-ce celle de l'organisation sociale, nous raisonnons sur les repr�sentations symboliques qu'en permanence nous nous en construisons8, et nous ne communiquons que par ces repr�sentations. La question d�s lors devient : Comment les acteurs concern�s construisent-ils ces mod�les ? Comment raisonnent-ils sur ces mod�les ? Comment sont-ils transmis, �chang�s et par l� transform�s d'un acteur � l'autre ? Comment enfin ces traitements cognitifs des mod�les affectent-ils les ph�nom�nes per�us qu'ils pr�tendent repr�senter ? Car "si la carte n'est pas le territoire9", nous savons d'exp�rience famili�re que pour chacun, �le territoire devient parfois la carte� et nous convenons volontiers que le biologiste Th. Dobzhansky a raison lorsqu'il nous rappelle que : "En changeant ce qu'il conna�t du monde, l'Homme change le monde qu'il conna�t ; �En changeant le monde qu'il conna�t, l'Homme se change lui-m�me" (Bateson, 1980).
Boucle �trange qui associe inextricablement le ph�nom�ne mod�lis�, le mod�le et le mod�lisateur, boucle �trange qu'il nous faut pourtant reconna�tre, individuellement et collectivement : Oscillation famili�re et difficile entre le r�le du juge et celui de la partie, entre le mod�le et le m�ta-mod�le qui le l�gitime. Assumer loyalement cette tension cognitive, la pr�sumer fructueuse, tel est sans doute le d�fi que le Paradigme de la Mod�lisation Syst�mique nous invite aujourd'hui � relever, riche de l'extraordinaire exp�rience de ��l'Homo-Cogitans� depuis quelque dix milliers d'ann�es.
Boucle �trange qu'avait depuis longtemps identifi�e, un des h�rauts des �pist�mologies constructivistes, G. Bateson, dans des termes qu'il importe de relire pour �clairer notre d�marche.
��Dans le domaine des sciences exactes, les effets sont g�n�ralement caus�s par des circonstances ou des �v�nements concrets : impacts, forces, etc... Mais lorsqu'on p�n�tre dans le monde de la Communication, de l'Organisation, ... on quitte tout cet univers o� les effets sont produits par des forces, des impacts et des �changes d'�nergie. On p�n�tre dans un monde o� les "effets"... sont produits par des "diff�rences" (des informations), c'est � dire par cette sorte de chose qui du territoire va sur la carte : voil� la diff�rence��.
Et l�, la notion d'Energie doit �tre envisag�e tout autrement. Dans le monde de l'Esprit, rien - c'est � dire "ce qui n'existe pas" - peut �tre une cause...
Par cons�quent, il faut modifier radicalement notre fa�on de concevoir le processus mental et communicationnel. Toute tentative visant � construire un cadre th�orique pour la psychologie et le comportement, en empruntant aux sciences exactes la th�orie �nerg�tique, rel�ve du non sens et de l'erreur manifeste...�� (Bateson, 1980).
Cette modification radicale, qu'en 1970 G. Bateson demandait � ce qu'il appelait maladroitement "l'�pist�mologie cybern�tique"(Bateson, 1980) d'assumer, peut et doit �tre aujourd'hui argument�e et explicit�e :"Aujourd'hui, concluait-il, notre t�che la plus urgente est peut-�tre d'apprendre � penser autrement"(Bateson, 1980). T�che urgente et difficile � laquelle l'�pist�mologie s'est attach�e sans tr�ve, loin de la fureur des modes, depuis �La Formation de l'Esprit Scientifique� de G. Bachelard (1938), � moins que ce ne soit depuis �Science and Sanity� de A. Korzybsky (1933) ou depuis les "Cahiers" de Paul Val�ry. C'est Jean Piaget sans doute qui donna en 1968 aux �pist�mologies constructivistes leur intitul� et leur statut contemporain, pendant que H. Von Foerster, G. Bateson, H.A. Simon, E. Morin, P. Watzlawick ou E. Von Glasersfeld �laborent les mat�riaux conceptuels qui nous permettent aujourd'hui de raisonner en explicitant les axiomatiques de nos raisonnements. S'il faut �tre bref, disons avec A. Korzybski, que le bon usage de la raison se fera en se r�f�rant soit aux axiomes Aristot�liciens du syllogisme parfait (qui sont aussi ceux des Principia Mathematica) soit en se r�f�rant aux axiomes NON-Aristot�liciens10. Le Constructivisme, conclura E. Von Glasersfeld (1988) "n'est pas un moyen d'�tablir une image ou une description d'une r�alit� absolue, mais un mod�le possible de connaissance, �labor� par des organismes cognitifs capables de construire pour eux-m�mes, � partir de leur propre connaissance, un monde plus ou moins fiable".
Il fallait que cette vaste entreprise de restauration (Von Glasersfeld, 1988) et de reconceptualisation des �pist�mologies constructivistes fut assez avanc�e pour que ce d�fi si lucidement per�u en 1970 par G. Bateson puisse �tre relev� dans l'ordre de la connaissance scientifique, au lieu d'�tre nonchalamment renvoy� aux domaines oniriques des mythes (Atlan, 1986) : le Paradigme Energ�tique s'�tablit en effet sur une description d'une �r�alit� r�ifi�e�, r�alit� que r�gissent les axiomes Aristot�liciens et les principes Newtoniens ou Laplaciens de la Philosophie Naturelle. Remettre en question sa pertinence, au moins pour �d�crire un mod�le possible de connaissance� celui d?une organisation active �labor�e par une organisation cognitive, c'est se contraindre � formuler un paradigme suffisamment instrumental pour que la conception-construction de tels mod�les possibles de connaissance soit � la fois praticable et l�gitimable.
Sur le socle �tabli par les �pist�mologies constructivistes et les syst�mes non-aristot�liciens (peut-�tre vaudrait-il mieux parler des logiques non-disjonctives, et donc des logiques conjonctives ?), on peut aujourd'hui proposer la construction d'un mode de repr�sentation intentionnelle des organisations sociales actives intervenant d�lib�r�ment dans les substrats dont elles �mergent et qu'elles constituent (Mod�lisation qui ne requiert nulle hypoth�se quant � une pr�sum�e �r�alit� ontologique� de ces organisations et entreprises).
L'exp�rience sensible et cognitive dont il faut ici rendre compte est celle de la communication et de l'organisation, ce monde au sein duquel les "effets" (les organisations) ne sont pas produits par des causes concr�tes mais par des �diff�rences� abstraites (des �informations�, conclura G. Bateson). Information et organisation que nous saurons dessiner et �d�signer� sur des �cartes�, (ou des mod�les) et dont nous savons qu'elles n'appartiennent peut-�tre pas au �territoire� que par, ces cartes, nous repr�sentons : cette diff�renciation de l'ordre des ph�nom�nes (que P. Val�ry appelait l'univers ?, physique, pour symboliser l'univers physique) et de l'ordre�des repr�sentations (que P. Val�ry appelait l'univers ?, psychique, pour symboliser l'univers mental et cognitif), cette diff�renciation11 permet d'�chapper � l'emprise du paradigme �nerg�tique dans nos repr�sentations de l'organisation : l�gitim� dans l'univers ?, celui des ph�nom�nes de causes et d'effets physiques, lorsque celui-ci �tait postul� isomorphe de son image dans l'univers ? des processus cognitifs, le paradigme �nerg�tique perd son monopole d�s lors que l'observateur convient qu'il "invente la R�alit�"12 sur laquelle il raisonne. Il devient, dans l'Univers ? des Repr�sentations, un mod�le parmi d'autres, et sans doute rarement ad�quat, des ph�nom�nes observ�s : de tous les mod�les possibles du monde, il ne retient que celui dont on calcule qu'il requiert la moindre action, qu'il consomme la moindre �nergie. Le �Principe de Moindre Action� a tant d�montr� sa f�condit� �naturelle� depuis que le calcul diff�rentiel conduisit au XVIII S. � �retrouver� la forme g�om�trique exacte des cellules de cire d'une ruche d'abeille (la forme qui minimise le volume de cire requis pour stocker le volume maximum de miel13) que la Science Positive en a fort pragmatiquement fait le principe fondateur du Paradigme Energ�tique sinon celui de toute science de la Nature.
Sur cette conviction, les premi�res th�ories de la �Physique Sociale� puis des �organisations� furent des th�ories �nerg�tiques dont le Taylorisme et la sociobiologie sont les avatars les plus familiers, longtemps tenus pour scientifiques par les acad�mies soucieuses de manifester la Rationalit� de la M�canique, reine des sciences physiques et donc �nerg�tiques.
La diff�renciation de l'Univers ? des ph�nom�nes et de l'Univers ? de la Cognition incite � la fois � reconna�tre la f�condit� heuristique de ce Principe de Moindre Action, et son caract�re contingent. Contingence que r�v�lent les nombreuses tentatives de mod�lisation des comportements des organisations sociales : ��le Principe du one best way�14, et donc celui de la calculabilit� d'un optimum social, ont certes la vie dure tant le paradigme m�canico-�nerg�tique � la Walras, h�ritier de celui des physiocrates du XVIII S, impr�gne la culture des mod�lisateurs.
Mais tant d'�checs nous ont sans doute appris la vanit� de cette illusion r�ductionniste et scientiste, et l'on convient enfin qu'H.A. Simon avait raison d�s 1943 en d�non�ant cette r�duction de la rationalit� au calcul optimisateur dans la repr�sentation des organisations sociales15. Il faut, disait d�j� P. Val�ry, pour raisonner dans l'univers ? des repr�sentations, des �Nombres plus Subtils� (qu'il d�signait syst�matiquement �N + S�) que ceux de notre arithm�tique �nerg�tique. Et la qualit� d'un raisonnement s'�value plus dans le choix de ses proc�dures que dans la puret� de son improbable unique r�sultat-optimum : Plut�t que de s?enfermer dans le carcan formel de la Rationalit� Substantive (ou normative16), on peut aussi restaurer le cadre fonctionnel de �la Topico-Critique� et d�ployer, rappellera H.A. Simon, la Rationalit� Proc�durale, d�pendante des contextes dans lesquels elle s'exerce et pourtant reproductible.
Rationalit� Proc�durale et Nombres Plus Subtils (nous dirons bient�t : �symboles non-num�riques�) sont les ingr�dients de toute mod�lisation dans l'ordre de l'Univers ? des Repr�sentations; ingr�dients qui vont nous permettre de formaliser un paradigme assez ouvert pour repr�senter intelligiblement dans leurs complexit�s per�ues, les organisations sociales sans nous contraindre � les r�duire � des m�canismes froids. Un paradigme que nous pourrons construire sur un principe qu'H.A. Simon apr�s J. Dewey, a propos� d'appeler �le Principe d?Action Intelligente� pour rendre compte de la capacit� d'un syst�me � �laborer (inventer) des r�ponses intentionnelles adaptatives (donc t�l�ologiques) � des situations qu'il per�oit contraignantes.
A cette d�finition conceptuelle de l'action intelligente (action qui pourra, le cas �ch�ant, �tre en infraction avec le Principe de Moindre Action, en consommant beaucoup plus d'�nergie que n'en aurait requis un calcul d'optimisation si la ��r�ponse�� avait �t� unique et pr�d�termin�e), J. Piaget puis H.A. Simon et A. Newell ont associ� le concept de symbole et de computation symbolique�:
�L'Intelligence organise le monde ( ) en s'organisant elle-m�me� (par computation)�� J. Piaget, comment� par Von Glaserfeld (1988)
�Qu'est-ce qu'un Symbole que l'Intelligence peut utiliser et qu'est l'Intelligence qui peut utiliser un Symbole ?��17
Le paradigme mod�lisateur que l'on b�tit sur ce Principe d'Action Intelligente propose une architecture conceptuelle facilitant le raisonnement sur les quelques concepts de l?univers ? dont nous disposons pour rendre compte, non plus des ph�nom�nes �nerg�tiques de transformations r�ciproques de mati�re et d'�nergie (tenus alors pour isomorphes dans les univers ? et ?), mais des ph�nom�nes de correspondance per�ue entre Information et Organisation, repr�sent�s dans l?univers ?. L'hypoth�se qui va d�s lors guider la formalisation de ce paradigme instrumental se formule ais�ment :
Dans l'Univers ? des Repr�sentations (r�gi par un Principe d'Action Intelligente), l'Information est � l'Organisation ce que la Mati�re est � l'Energie (dans l'Univers ? des ph�nom�nes physiques r�gis par un Principe de Moindre Action).
La discussion et la l�gitimation de cette hypoth�se constitutive requi�rent des d�veloppements que l'on ne peut d�tailler ici. Il faut provisoirement inviter le lecteur � convenir de son caract�re non contre-intuitif et corr�lativement du caract�re ambigu de l'hypoth�se de la correspondance Mati�re-Energie, qu'on l'entende dans l'Univers ? ou dans l'Univers ? : l'�l�gance de la loi "E = M*C2" dissimule la complexit� de la d�finition sous-jacente du concept d'Energie ! Dans l'Univers des ph�nom�nes physiques, le concept d?Energie n'a de sens qu'en synonyme absolu du Concept de Travail, auquel cas, en toute rigueur, il est inutile puisqu'en infraction avec le principe de moindre action ; en revanche, dans l'Univers ? des repr�sentations, il a une signification complexe et r�cursive : �Energie : ce qui est, produit et provient du travail�. Signification intelligible certes dans l?Univers??, mais en infraction avec la logique d�ductive et quantitative du principe de moindre action requise par le Paradigme Energ�tique interpr�t� dans l?Univers ?.
C'est pr�cis�ment ce manque de rigueur formelle et fonctionnelle dans l'interpr�tation g�n�ralis�e du paradigme Energ�tique qui sugg�re la formalisation r�fl�chie d'un paradigme alternatif adapt� � la repr�sentation des correspondances entre Information et Organisation. On a propos� de le d�signer Paradigme INFORGETIQUE. Le n�ologisme a l'avantage de souligner la conjonction fondatrice �INFORmation-ORGanisation�, mais surtout de d�gager le radical ORG en r�v�lant sa parent� �tymologique avec le radical ERG � l'aide duquel a �t� construit le n�ologisme En-ERG�tique : l'un et l'autre se rapportant � l'Action (URG), ERG privil�giant la d�signation du travail effectu� et ORG la d�signation de l'organe ou de l'instrument effectuant le travail.
On se limite ici � une pr�sentation sommaire du Paradigme Inforg�tique, ais�e � mettre en valeur par une heuristique de correspondance avec le Paradigme Energ�tique : c'est pr�cis�ment l'incompl�tude de ce dernier pour les entreprises de mod�lisation des organisations sociales qui a incit� � d�velopper, dans un r�f�rentiel �pist�mologique ad�quat, le paradigme Inforg�tique.
La discussion critique de ce tableau, qu'il faut entreprendre par ailleurs, ne doit pas retarder davantage le propos qui est celui de l'instrumentation, � fin d'intervention, des repr�sentations des organisations sociales s'informatisant.