Avec la r�forme de l?enseignement sup�rieur au Maroc � partir de l?an 2000, les �tablissements universitaires ont �t� amen�s � relever plusieurs d�fis, � repenser les modalit�s de la formation pour favoriser une plus grande participation des �tudiants et � promouvoir des pratiques p�dagogiques innovantes. Vu la croissance des effectifs et les moyens d?encadrement limit�s, une telle �volution conduit � relever simultan�ment des challenges p�dagogiques, technologiques et organisationnels. L?universit� marocaine doit conduire des projets en mati�re de formation � l?aide des nouvelles technologies. Ces nouveaux mod�les de formation offrent plus de possibilit�s d'acc�s �dans le temps et dans l'espace. Cependant, des r�ponses doivent �tre trouv�es pour de nombreuses questions techniques, p�dagogiques, organisationnelles et �conomiques avant de mettre en place de tels dispositifs. Pour cela, il est n�cessaire de mettre en ?uvre des projets pilotes forts, de les �valuer par des exp�rimentations, de formuler des propositions de r�ponses, et ensuite de diffuser les r�sultats � l?ensemble des universit�s. �

Dans cet article, nous traitons de la conception, de la r�alisation et de l?exp�rimentation d'un environnement virtuel d'apprentissage collaboratif, orient� vers la m�taphore spatiale, coupl� avec un syst�me multi-agents (SMA). Ce dernier est charg� de recueillir les donn�es li�es � l'interaction des diff�rents acteurs avec les diff�rentes fonctionnalit�s de l'environnement. Ce dispositif est consid�r� par notre universit� comme un projet pilote.

Un campus virtuel est un environnement d'apprentissage en ligne fond� sur le concept du client-serveur et sur les technologies de l?internet. Il regroupe les outils et les ressources n�cessaires au soutien des diff�rents acteurs intervenant dans le syst�me de FOAD (Formation ouverte � distance). Pour se distinguer d'un simple site Web, un campus virtuel doit se pr�senter comme un dispositif int�grateur de plusieurs outils et de plusieurs fonctionnalit�s. Une autre caract�ristique du campus virtuel est d?�tre organis� conceptuellement et structurellement � partir de la m�taphore du campus r�el. Fondamentalement, la m�taphore est un cadre cognitif de r�f�rence et d'interpr�tation. Elle permet la projection d'un concept plus familier et plus concret, tel que la source (ici le campus r�el), sur un concept qui l'est moins, tel que la cible (ici le campus virtuel), d?apr�s Koff et Johnson (1980). Un utilisateur pourra donc investir un monde nouveau avec un cadre de r�f�rence cognitif d�j� �tabli. L'organisation du campus virtuel est repr�sent�e en diff�rents espaces (figure 1). On affecte � chaque espace�un nom �vocateur, des fonctionnalit�s, des ressources p�dagogiques, des outils technologiques ? dont les acteurs qui fr�quentent cet espace ont besoin pour r�aliser leurs activit�s d'apprentissage? et un observateur d'usage. Un espace n'est pas ouvert � quiconque et n�cessite de la part �d'un acteur de s?inscrire.

Avec ces hypoth�ses, nous avons con�u et r�alis� un dispositif de formation � distance � travers lequel l?organisation p�dagogique de la formation DESS (dipl�me d?�tudes sup�rieures sp�cialis�es) a �t� repens�e. Ce dispositif a �t� mis au point par notre �quipe de recherche en 2002, et utilis� depuis comme appui � une formation pr�sentielle dans le domaine des t�l�communications et des r�seaux (DESS T�l�communications et R�seaux) (Elkamoun et al., 2003). Le dispositif est spatialis� pour rester en harmonie avec les principes de la r�alit� virtuelle. Sa structure est arborescente et permet de mettre en place les articulations entre les espaces ainsi que leur hi�rarchisation. On trouve sur cette plate-forme les principaux outils de la formation � distance et du travail collaboratif (messagerie, forum, chat, zone de d�p�t de documents p�dagogiques, etc.) et les outils d'organisation (agenda partag�, planning) (Faerber, 2001). La figure 2 pr�sente l?espace des activit�s collaboratives selon le point de vue du tuteur.

A partir du mod�le de campus virtuel mis au point (cf ci-dessus) et de l?approche centr�e sur les r�les et les comp�tences, nous pouvons sp�cifier les agents qui vont construire le syst�me observateur d?usage. Ce processus s?inscrit dans une d�marche it�rative de conception. Les r�sultats pr�sent�s ci-dessous proviennent de la plus r�cente it�ration. Nous pr�sentons dans la figure 3, une vue d?ensemble du syst�me observateur d?usage pour un espace i bien d�termin�.

Le sch�ma de la figure 4 montre la hi�rarchie des agents de notre syst�me observateur d?usage. Le syst�me est construit � partir de plusieurs agents superviseurs des espaces, c?est-�-dire�: l?espace public, l?espace de groupe, l?espace de l?�quipe et l?espace individuel. Chaque agent superviseur d?un espace communique � son tour avec quatre agents, � savoir�: l?agent superviseur des acteurs, l?agent superviseur des activit�s, l?agent superviseur des ressources et l?agent superviseur des outils. Chacun de ces agents peut superviser d?autres agents de hi�rarchie inf�rieure. Par exemple, l?agent superviseur des outils supervise l?agent courriel, l?agent forum, l?agent chat, l?agent document et l?agent agenda. Enfin, la communication avec l?utilisateur doit �tre assur�e par un agent d?interface graphique.

Les sp�cifications des agents constituant le syst�me observateur�sont les suivantes :�

• l?agent interface graphique (GUI Agent) assure la communication entre l?homme et la machine via une interface graphique simple et conviviale�;

• l?agent superviseur d?espace (public, groupe,��quipe, individuel) est le point d?acc�s � l?espace dont il est observateur. Il interroge les agents de hi�rarchie inf�rieure pour un bilan d?usage d?une p�riode donn�e�;

• l?agent superviseur des acteurs supervise l?ensemble des actions men�es par un acteur tout en fournissant une appr�ciation globale sur son comportement au cours d?une session de formation�;

• l?agent superviseur des activit�s indique le degr� de respect et le taux de r�ussite d?une activit�;

• l?agent superviseur des outils �fournit des statistiques concernant l?utilisation des outils d?un espace�;

• l?agent superviseur des ressources donne des informations sur l?utilisation des ressources d?un espace.

Pour la conception de notre syst�me, nous avons choisi la m�thodologie MaSE (Multiagent System Engineering) d�crite par Deloach (2001). Cette m�thodologie comporte sept �tapes regroup�es en deux phases : une phase d?analyse (objectifs, cas d?utilisation, r�les) et une phase de conception (classes, interaction, agents et syst�me). L?objectif de cette m�thodologie MaSE est d?aider le concepteur � analyser et � concevoir un syst�me multi-agents � partir d?un cahier des charges initial. Ce choix est justifi� par : (1) la vision simple, modeste et pragmatique que donne la m�thodologie MaSE � la d�finition d?un agent et par la suite au syst�me multi-agents�; (2) l?automatisation du processus d?agentification�; (3) la disponibilit� de la documentation.

En ce qui concerne l?impl�mentation, et apr�s avoir �tudi� les plates-formes les plus connues de d�veloppement du SMA (JADE, Zeus, Madkit, AgentBuilder, etc.), JADE, Java Agent Development Framework, �a �t� choisie (Rimassa et al., 1999). JADE est une plate-forme de construction d'applications � partir de syst�mes multi-agents open source, bien document�e, mise � jour p�riodiquement et, de plus, conforme � la norme FIPA.

La plupart des universit�s du monde, en 2005, �tudient comment introduire l?enseignement � distance dans leurs formations actuellement dispens�es en pr�sentiel. Dans le cas de l?universit� marocaine, depuis 2003, nous avons con�u et exp�riment� une m�thodologie de formation mixte combinant une formation en pr�sentiel (cours, travaux dirig�s et travaux pratiques) avec la formation � distance appel�e ��distanciel�� organis�e dans notre dispositif de FOAD (formation ouverte � distance). Cette exp�rience se situe dans le cadre de la formation initiale, o� 27 �tudiants pr�parent un DESS en T�l�communications et R�seaux (promotion 2002-2004). La formation � distance s?est d�roul� sur six semaines et est constitu� de trois activit�s.

Activit� 1�

La premi�re activit� correspond au choix collectif d'un nom pour la promotion DESS T�l�communications et R�seaux 2002-2004. Les objectifs se rapportant � cette activit� sont : r�aliser une recherche et une synth�se sur l'histoire des r�seaux de t�l�communication, identifier les personnes marquantes dans cette histoire et ayant contribu� au d�veloppement des t�l�communications et r�seaux et faire le choix d�finitif d'un nom pour la promotion, par consensus ou par vote. La conception et l?architecture p�dagogique de cette activit� sont d�finies � partir d?une analyse de la m�thodologie cl@p (Michinov et al., 2003). L?originalit� de cette m�thode consiste essentiellement dans le fait qu?elle insiste sur la n�cessit� de bien sc�nariser les activit�s en ligne tout en rendant l?apprenant acteur principal de sa formation.

Activit� 2

L'objectif de la deuxi�me activit� est de dresser un panorama des technologies de r�seaux � �haut d�bit et de leur architecture (services et protocoles). Les apprenants sont invit�s � suivre un cours multim�dia, � r�pondre � des questionnaires de type QCM et � r�aliser des exercices interactifs fond�s sur la simulation. Le cours propos� est accompagn� d?une bibliographie importante mais cibl�e afin d?habituer l?apprenant � se documenter, � s?informer et � apprendre par lui-m�me. Les allers-retours r�p�t�s des apprenants entre le cours, les ressources du Web, la bibliographie et les exercices d?application ont pour but de faciliter l?apprentissage des concepts propos�s.

Activit� 3

Lors de cette troisi�me activit�, les �tudiants r�alisent une �tude comparative des diff�rentes solutions ��r�seaux haut d�bit��, en d�gageant pour chacune d?elles le principe de fonctionnement, le mat�riel n�cessaire, le co�t, les avantages, les inconv�nients et le domaine d?utilisation. Les apprenants ont r�alis� cette activit� d?apprentissage par �quipe dans un d�lai donn� et avec l'assistance du tuteur. L?objectif principal de cette activit� est de rendre les apprenants actifs, ils d�passent le stade d?acquisition et de compr�hension des informations et deviennent aptes � l?analyse, la synth�se et la confrontation de connaissances.

Le bilan tr�s partiel propos� dans ce paragraphe s'appuie sur des donn�es recueillies pendant la phase de la formation � distance. Deux sources d?informations ont �t� utilis�es�:

• l?observateur d?usage, que nous avons d�velopp�, qui est charg� de recueillir les donn�es li�es � l'interaction des diff�rents acteurs avec les diff�rentes fonctionnalit�s de l'environnement pendant la phase de la formation�;

• une grille d?�valuation, compl�t�e par les �tudiants � la fin de la formation et destin�e � mesurer leurs attitudes et leurs perceptions au cours de cette exp�rimentation.

Toutes les interactions entre les acteurs et l'environnement sont disponibles � des fins d'analyse � l?issue de la session de formation. La figure 5 pr�sente un exemple de r�sultats fournis par le syst�me ��observateur d?usage��. Elle dresse l?ensemble des actions men�es par un utilisateur durant la session de la formation � distance o� chaque �v�nement est dat� et comment�. Nous disposons ainsi des informations sur les connexions aux diff�rents espaces, sur les activit�s r�alis�es et les communications effectu�es par chaque apprenant et par l?�quipe. Ces statistiques d'interaction nous ont permis d'appr�cier la vie du groupe, la productivit� des apprenants et le niveau de r�alisation des activit�s p�dagogiques.

Une premi�re lecture des grilles d'�valuation nous a permis �galement d'analyser les opinions exprim�es par les apprenants sur la formation mixte. Le bilan global de cette exp�rience est globalement positif. Les apprenants sont tr�s satisfaits de cette exp�rience. Ils estiment que la formation mixte pr�sente des avantages par rapport � une formation classique (souplesse, diversit� des m�thodes d?apprentissage, simulation et travail collaboratif). Les activit�s p�dagogiques propos�es dans le sc�nario d?apprentissage ont �t� tr�s appr�ci�es, notamment le travail en �quipe dans le cadre du s�minaire virtuel. Quant au choix p�dagogique, les mises en situation sont adapt�es aux besoins du public cible. L?un des attraits majeurs signal� par les participants est l?interactivit� du cours, en particulier la simulation. Les apprenants estiment �galement que les ressources fournies et les liens vers les sites ext�rieurs sont de bonne qualit� et pertinents. Des critiques ont n�anmoins �t� faites sur le fond et sur la forme. A la lumi�re de ces remarques, nous avons pr�sent� une analyse critique de notre dispositif et propos� des am�liorations.

Dans cet article, nous avons trait� de la conception, la r�alisation et l?exp�rimentation d'un environnement virtuel d'apprentissage collaboratif, fond� sur une m�taphore spatiale et coupl� avec un syst�me multi-agents (SMA). Bien que notre exp�rience soit une illustration d?un cas d?usage et qu'elle ne soit pas g�n�ralisable, elle t�moigne de l'importance de la pr�sence d?un syst�me ��observateur d?usage�� dans les plates-formes de formation � distance. La vocation principale de l?observateur est de fournir aux diff�rents acteurs responsables de cette formation (tuteurs, concepteur, administrateur, etc.) un ensemble d?informations, tr�s utiles au bon d�roulement d?une session de FOAD, � son audit et � son �valuation.